lle appuya son dos contre l'écorce, posa sa chope de jus de Tréants entre les racines en veillant à sa stabilité puis, confortablement installée, plongea les mains dans sa besace pour en sortir un livre. Le cuir de la reliure était craquelé et les lettrines jadis argentées avaient perdu de leur éclat, ensevelies sous la voracité noirâtre des moisissures. De ses doigts fins, elle caressa les rides de l’objet pour en découvrir la surface, repoussant l’instant ou elle plongerait dans ses secrets. Ritualiser ses lectures lui donnait le sentiment mondain d’appartenir à une élite littéraire, titulaire de trousseaux de papier ouvrant les portes des arcanes de ce monde…
« Livre de la métamorphose », énonça t-elle à haute voix.
N’y tenant plus, elle repoussa la couverture et survola rapidement la préface écrite en petites lettres noires sur le papier jauni par le temps et l’humidité…
Prise d’un léger doute, elle referma la couverture et l’examina à nouveau avec plus encore de minutie. De la pointe de l’ongle elle retira quelques protubérances douteuses puis, satisfaite de son travail et consciente de la vocation alarmiste et commerciale de la recommandation, reprit sa lecture avec passion…
e soleil commençait à décliner lorsqu’elle reprit enfin forme humaine. Elle s’étira, se frictionna les bras et s’appliqua quelques fessés pour faire tomber les poils blancs maculant le cuir verni de sa sombre tenue. A ses pieds gisait le livre dont l’encre des pages s’était évaporée, désenchanté.
Elle entreprit de rejoindre Randol avant que la fraicheur nocturne ne s’immisce dans les sous bois. D’un coup de pied elle envoya l’ouvrage à présent inutile s’écraser dans un buisson puis d’une main hissa sa besace sur son dos tandis que l’autre récupérait la chope encore à demi pleine. Elle fit claquer sa langue contre son palais pour en mesurer l’humidité puis porta le récipient à ses lèvres…
* Drôle de goût ce jus de Tréants. Le fruit devait être gâté…*
La chope partit rejoindre le livre entrainant dans son vol une gerbe aqueuse scintillante des derniers rayons de soleil. D’un pas félin, elle prit la route révulsant une furieuse envie de satisfaire la démangeaison naissante autour de son oreille.
*En me dépêchant, j'aurais sans doute le temps de passer à la taverne... J'boirais bien un bol de lait !*